Windfoil - Loke race - l'arme fatale ?

Notre amis Hervé nous livre son ressenti après l'achat d'un LK race

L'arme fatale...

Non, ce n'est pas un test que je vous propose mais bien plus ; une aventure en plein estuaire de la Gironde alors que sous mes pieds, la fameuse bête de course de Lokéfoil commence tout juste à m'être en quelque sorte familière...

Laissez-moi juste camper le décor ; ce jour là l'estuaire offre un plan d'eau de rêve avec un courant de marée montante opposé à un faible flux de SE souffletant depuis Bordeaux en direction de l'embouchure... Côté pilote, je vous passe les détails mais j'avoue malgré les onze mille kilomètres parcourus depuis bientôt trois ans sur divers foils (Horue, F4, Alpine A1 carbone), j'ai le rythme cardiaque qui monte quand je dispose mon combo au bord de l'eau sous les yeux pétillants de complicité du moniteur de planche du club de St. Georges, Colin et des ses trois stagiaires qui viennent juste de rentrer.

lk race

Il est midi et conformément à la prévi météo, ce fameux flux de SE a suffisamment molli pour que j'ai armé pour la pêche au gros avec ma voile trois cambers (Loft Switchblade) de 9.3 m².

Le combo quant à lui se veut « homogène » ; pour un tel foil il faut disposer de toute la puissance nécessaire au contrôle de l'animal. J'ai opté sans réserve pour le RF91 de chez Exocet en Limited Edition (un peu plus léger car en tissus Texalium).

Colin jette un coup d’œil au Camelback et déclare à ses stagiaires : « C'est parti pour du sérieux ! ». En effet, je dispose à bord de la boisson (mon whisky), ration de survie, VHF et portable, plaquette de pdm de rechange...), bref... Contact VHF est pris avec le Sémaphore de la Pointe de Grave pour signaler que je pars sur raid entre les deux rives ; soit entre Royan et le Verdon pour les connaisseurs. Il faudra que je pense à leur signaler en fin de session que je dégage la zone et que tout est OK ; espérons le...

Seulement voilà ; les stagiaires parient la bouteille de whisky que je ne pourrai pas décoller dans ces conditions. Un coup d’œil sur plan d'eau de la conche n'est effectivement pas très encourageant mais je sais instinctivement que tout est permis même si la surface est juste ridée... C'est le premier trésor de ce foil ; une facilité au décollage littéralement déconcertante ! En quelques coups de pumping musclés, le flotteur prend un peu de vitesse et en sur-pilotant légèrement, le miracle se produit autour d'une dizaine de nœuds sur trajectoire directement sous les yeux de nos supporters. C'est toujours une bouteille de gagnée !

Oui, le décollage est à tel point précoce qu'en phase de découverte de la bête, je me suis retrouvé plus d'une fois en vol avant même d'avoir eu le réflexe de chausser le strap arrière... En laissant faire les chose naturellement (sans sur-pilotage), ce combo décolle pour mon gabarit (77 kg) dans moins de dix nœuds de vent. Attention toutefois à être dynamique, voire puissant dans les appels de puissance pour lancer le processus ; c'est un coup tonique à prendre et à la portée de tous.

J'ai calé le GPS sur un waypoint caractéristique de la rive opposée, la plage de la Chambrette du côté du Verdon ; l'affichage est dissuasif et excitant à la fois avec un peu plus de 7 km... Mais je demeure méfiant et engage dans un premier temps une succession de bords de moins du nautique de manière à bien prendre la mesure des conditions ; le vent en sortie de conche est un peu plus marqué. Je l'estime à une douzaine de nœuds ; le vol est très stable et c'est bien le point fort n°2 de ce foil ; longueur de fuselage oblige (1.10 m). Le trim du stab est simple, le constructeur fournit deux cales identiques que l'on peut empiler. Je tourne systématiquement avec une seule cale ce qui correspond environ à 1° à piquer pour le foil. L'animal gagne ainsi en contrôle mais également un peu en vitesse. Pour les conditions décrites et un flotteur réglé tous straps plein avant (y compris les Chiken) et position extérieure et un pdm à 140, le vol est à tel point stable qu'il est aisé de tourner « one hand ».

Mais la magnifique étendue de l'estuaire m'attire comme un aimant et j'engage ce que je préfère par dessus tout ; un droit sur la rive d'en face ! Et là, c'est le clou car n'ayant guère confiance dans ce petit flux de SE, je ne veux pas trop remonter au vent. J'adopte donc un vent travers de plus de dix minutes. C'est un des points forts de ce foil pourtant conçu pour le « up and down », c'est d'être parfaitement contrôlable au vent travers, du moins dans le light-wind et moyennant un trim soigné. Laisser défiler les nautiques et voir la distance à la rive du Verdon fondre à vue d’œil est littéralement jouissif ! L'estuaire est absolument désert ; aucun planchiste ne gréera justement pour cause de manque de vent... Sur les deux premiers kilomètres, certaines zones présentent une surface froissée par les courants ; je dois être un peu plus attentif envolant plus haut. Mais là également, ce foil marque un point fort avec une hauteur de mât confortable (1.05 m) qui rend cet exercice aisé. On note juste dans ces phases particulières un léger « balancement » lié aux turbulences de surface ; cela ne gène en rien le contrôle mais simule à la perfection comme une souplesse dans la structure alors qu'il n'en est rein, bien au contraire !

Bref, chevelure au vent, je chevauche... Non, en fait j'ai la tête rasée et casquée ; du professionnel ! Mais plus sérieusement, en réalité je suis de plus en plus inquiet ; alors que je commence à distinguer les bâtiments du club de voile du Verdon dans la anse de la Chambrette, je constate la nécessité de remettre de la puissance dans la voile. Merci au passage au palan de point d'écoute incontournable sur une telle voile, ne serait-ce que pour disposer d'une puissance max pour arracher le décollage dans l'ultra-light et réduire ensuite dès que le foil lève... Rien n'est simple et tout a un prix ! Voilà donc plus de dix minutes que je trace sans aucune fatigue notoire, ça ne tire pas dans la jambe arrière et là on souligne encore un des points forts (encore un!), c'est cette capacité de glisse exemplaire. Mais là les choses se compliquent car je vole sur la pointe des pieds et je prends la décision de virer car mon souci premier est d'assurer de redécoller après le jibe ; l'airjibe n'étant pas au menu dans de tels petits airs. C'est un peu l'effet pervers de la haute performance ; on risque de poursuivre le vol dans des zones où il risque d'être problématique de déclencher à nouveau le vol... Surprenant !

Et pourtant, l'étude du track dans GpsarPro est sans appel ; il me faudra jouer des coudes avec le mouvement de surface (petite houle) et les risées sur plus de 300 m avant de retrouver le minimum requis pour reprendre le vol ! L'extra light-wind a aussi ses contraintes et même un tel foil vient de Saint-Malo, pas de Lourdes...

Le jeu prend alors des tours car la bande de jeu est parfaitement définie ; je sais que j'ai intérêt à garder une marge de sécurité d'au moins un kilomètre par rapport à la rive du Verdon de manière à ne pas perdre ce petit flux de SE. S'engage alors sur plus d'une heure un véritable ballet de près serrés et de grands largues ; le fameux « up and down » pour lequel le bestiau est fait. GpsarPro donne fidèlement et de manière répétitive sur les multiples bords du près à environ 50° par rapport au vent à des vitesses moyennes de 17 kts et des pointes à 19 kts ; soit des VMG moyennes dans la dizaine de nœuds sur des kilomètres de régal à la contre-gîte ! Cet exercice fait également partie des points forts (un de plus) de ce foil ; avec un flotteur aux normes PWA, la contre-gîte est quasi naturelle, stable et rapide donc redoutablement efficace. C'est dans ce domaine le meilleur foil que j'ai jamais connu dans ma « short List ». Quant au largue, il faut ici prendre sur soi car la puissance du foil inquiète et j'avoue avoir usé quelques sessions avant d'oser envoyer à bloc. Là encore, la haute performance dans la glisse est au rendez-vous et c'est sûrement le point le plus fascinant de cet engin. Alors quelle est réellement cette performance. Là encore, l'analyse du track révèle des bords de plusieurs centaines de mètres à des vitesses moyennes aux alentours des 16 kts (je rappelle par force 3) et ce à 130° du vent ; soit là encore et c'est amusant des VMG (cette fois dans le sens du vent) également de l'ordre de la dizaine de nœuds. C'est à couper le souffle et j'avoue que même à ce jour, j'ai toujours la gorge sèche à l'issue. C'est véritablement le grand frisson mais sans aucun risque ni effort ; tout se passe dans la tête et c'est bien là la véritable limite...

Il ne vous aura pas échappé que même dans force 3, le Loke race permet de remonter et descendre le vent à des vitesses d'au moins une dizaine de nœuds ! C'est ce que l'on appelle le « Cost Visiting », c'est à dire la capacité sur un plan d'eau à couvrir des surfaces importantes. Si cela peut paraître à la limite futile sur un petit lac, il en va tout autrement sur un spot comme la Gironde entre Royan, la Pointe du Verdon et Talmont. A titre d'info, des allers-retours sans jamais remonter ni descendre le vent (vent travers permanent à la mode planche à voile) donnent une surface couverte nulle. De fait, l'estuaire offre quant à lui aux braves qui veulent s'y frotter et ce moyennant quelques mesures de sécurité (liaison radio ou portable et équipement vestimentaire) l'opportunité de couvrir des surfaces qui peuvent aller jusqu'à 60 km² !

A titre d'info, le foil m'a permis récemment de couvrir 30 km² sur un raid de 100 km en A1 carbone de chez Alpine... Penchez-vous sur la problématique et vous constaterez rapidement que ce qui est le plus dur, même en foil et même avec de très bons foils, c'est précisément de remonter et descendre au vent au max sur des distances de plusieurs kilomètres... Mais, force est de constater que le Loke race est en quelque sorte l'arme fatale même pour ce type de combat ultime...

Un dernier mot pour préciser que ce type de sortie en plein estuaire demande d'être humble face à la nature. J'espionne alors la position de mon palan de point d'écoute et quand la voile commence à entrer en léger contact avec un wish à poignée arrière large (race), je trace sans retenue en direction de la conche de départ. J'ai un peu tardé sur ce coup, ce qui m'a valu après une bonne cinquantaine de kilomètres de parcourir les derniers 500 m en final dans la conche complètement déventée à la vitesse d'une cagouille ; mais ne sommes nous pas en Charente Maritime ?

Je vous souhaite de faire de beaux rêves et surtout de réaliser de magnifiques vols !

Windfoil - Test du Phantom IRIS F 2019