Contexte
Le windfoil est désormais complètement installé dans le paysage de la glisse, et la première PWA mixte vient de montrer qu’il a même sa place à très haut niveau. Tous ceux qui pensaient que ce serait un épi-phénomène ou une mode ravalent leur salive.
Au contraire, le foil a beaucoup changé pour devenir une évolution naturelle du windsurf, et non plus une discipline à part.
Au début, on pratiquait l’aileron ou le foil. Désormais, de nombreux pratiquants sont en train de passer au 100% foil , mais avec la même diversité de discipline qu’ils avaient en aileron : Race , Slalom, Freeride, Surf. Ceci est en particulier rendu possible par la diversification des types de matériels (foils, planches, voiles), et leurs énormes progrès sur tous les axes.
Avec cette pratique qui devient pour certains quasi exclusive, les progrès en navigation vont bon train, et nombreux d’entre nous en sont à leur 2e voir 3e foil. Le choix du modèle qui va le mieux nous convenir devient alors une vraie question.
Si on peut débuter avec un peu n’importe quoi, avouons qu'il est judicieux de se poser la question de ses gouts si on veut évoluer. Quand on débute, on se sait pas trop ce que l’on aime ou pas, on veut juste voler. Quand on sait foiler, on a logiquement des attentes plus précises.
Dans cet article, je n’essaye surtout pas de vous dire quel modèle ou marque est meilleure ou moins bonne, mais plutôt de vous donner des pistes pour comprendre ce qui va vous plaire. Et bien entendu, on parle de vous : pas de votre voisin, votre pote de navigation, ou le mec sur le forum qui vous dit que c’est bien sans vous connaitre. Au magasin, j'ai de nombreuses demandes avec des pratiquants perdus qui veulent changer, mais ne savent pas pourquoi. Ils nous appellent souvent pour nous demander ce que l'on pense de tel ou tel modèle, de telle ou telle marque ... mais ne se sont jamais posé la question de ce qu'ils cherchaient en terme de ressenti, et de navigation. C'est pourtant la base, changer pour changer n'a pas d'intérêt. Cet article a donc pour objectif de vous permettre de mettre des mots sur ce que vous ressentez, et ce que vous voudriez ressentir.
On a déjà écrit des pages sur les perfs de tel foil, la stabilité, le décollage etc. Ici, on va surtout parler de sensations, de plaisir … au risque d'enfoncer une porte ouverte, je considère personnellement que quand je vais naviguer, je vais avant tout me faire plaisir. Comme ce n’est pas mon métier, que ma place à la bouée de conditionne pas si je vais manger du boeuf ou des pâtes, je n’ai pas les même attentes qu’un Nicolas Goyard ou autre Antoine Albeau (pour ne citer que les ténors de notre sport).
Donc si vous souhaitez pulvériser les grands champions en PWA, pas la peine de lire cet article, il n’est pas pour vous ;) Pas plus si vous choisissez votre premier foil !
Le matériel ayant bien évolué, et surtout la compréhension des phénomènes physiques étant bien meilleure aujourd’hui, la conception d’un foil devient de plus en plus une histoire de compromis. Dès lors, le choix d’une marque dans ses design, ou de vous en tant que consommateur va être très lié à l’importance que vous apportez à chaque paramètre. …. je vous vois venir et je le dit cash : non , il n’y a aucun produit qui soit au top partout car de nombreux paramètres sont contradictoires !
Pour être trivial, vous ne trouverez pas un foil qui ne va pas vite car vous avez la trouille quand ça accélère, mais qui en même temps vous permettra de dépasser tous vos potes sur le plan d’eau !! Il y a un moment ou il fait savoir ce que l’on veut :)
Glisse ou contrôle
Parmi les paramètres qui sont souvent antagonistes dans les produits que nous testons, il y a la sensation de glisse et celle de la facilité de contrôle. Quand on creuse un peu, on se rend compte assez vite que les 2 paramètres qui rentrent le plus en compte dans cette bataille sont la finesse des profils (mat / ailes / stab / fuselage) et leur rigidité.
Pour faire très basique :
- des profils fins diminuent la trainée et donnent une sensation de glisser fort, avec peu de résistance
- Des éléments épais favorisant la rigidité de l’ensemble (y compris des connexions entre éléments), et comme le foil se déforme moins, on ressent une meilleure maîtrise dans le pilotage
Pour aller plus loin sur cette notion, je pense qu'il est important de préciser qu’une rigidité supérieure est lié à 2 paramètres : la raideur intrinsèque du composite utilisé, et l'épaisseur du profil. Pour ceux qui ont quelques notions élémentaires de résistance des matériaux, rappelez vous que le moment quadratique en RDM est proportionnel au cube de l'épaisseur. Quand on multiplie par 2 l'épaisseur, on multiplie par 8 la raideur, tous autres paramètres restant identiques. Les foils les plus raides possèdent donc souvent des mats qui sont loins d'être les plus fins du marché.
Considérant ceci, vous comprendrez aisément que plusieurs stratégies de design s'affrontent : un mat plus fin mais moins raide pour réduire la trainée, ou un mat plus épais mais plus raide pour optimiser le contrôle. En fonction de la compétence du pilote, et de vos priorités, l'une ou l'autre stratégie sera payante.
- Les coureurs de haut niveau, très entrainés et pour lesquels seule la performance compte, choisirons plus souvent la première solution.
- Des amateurs moins rompus à la navigation dans le rouge choisiront peut être plus souvent la 2e solution. Pour autant, certains peuvent être très attachés à cette sensation de glisse très fine, et vont accepter un pilotage plus délicat pour satisfaire leur envie de sensation.
- Le type de plan d'eau a évidemment également son importance puisque l'on mettra probablement plus l'accent sur la glisse en plan d'eau interieur ou plat, et sur le contrôle en plan d'eau ouvert ou plus mouvementé.
Cette sensation de glisse est bien entendu autant liée à l’épaisseur des profils qu’a la taille des éléments. Il va sans dire qu’avec une aile de plus faible surface, on diminue également la trainée. Donc adopter une navigation plus fine et plus technique est aussi une façon d’aller chercher de la sensation de glisse, à l’inverse de la navigation en mode bucheron (gros en toile, gros en aile etc.).
Netteté de la glisse ou accélération sans limite
Quand on parle de "sensation de glisse", on doit aussi je pense se pencher sur cette fameuse notion de glisse. Avec le temps, je me suis rendu compte qu’il y a 2 types de sensations que l’on peut attacher à la sensation de glisse.
- Il y a un type de sensation qui est lié au fait de ne pas sentir de limite dans l’accélération. On a l’impression que tant qu’on ajoute de la puissance, ça continue à accélérer. Pour ceux qui ont testé, c’est exactement ce que l’on ressent avec les foils de la marque Phantom … qui représentent pour moi le mieux ce type de signature actuellement (j'en connais un qui en fait la démontration assez souvent)
- Il y a un autre type de sensation de glisse qui n’est pas liée à l’accélération, mais à la propreté de la glisse (si on peut dire). C’est une sensation de parfaite rectitude de la glisse, de « trancher le lard » sans aucune perturbation, sans sensation de dandinement, de nervosité gênante, de vibration ou de mouvement perturbateur … une sorte d’évidence. C’est quelque chose que l’on ressent en général le plus sur les foils très raides comme le F4, le Taaora UHM ou encore dernièrement lirs du test du Patrick M40J
Pour donner une image (désolé, je fais ce que je peux car ce n’est pas simple à décrire), c’est un peu comme comparer une découpe de viande avec une couteau.
- Dans le premier cas, on découpe avec un couteau à dents très fines : ça va jusqu’au bout sans s’arrêter avec une force d’appui constante, mais des petites sensations de vibration et d’irrégularité dans la découpe
- Dans le 2e cas, on découpe avec un couteau japonais ultra aiguisé : ça tranche au début comme dans du beurre sans la moindre résistance, de façon plus fluide, plus propre et plus facile que dans le premier cas. Mais c'est comme si à un moment, il fallait appuyer beaucoup plus pour aller plus loin. Comme une sorte de limite qu'on a du mal à repousser
Nervosité ou douceur
Pour en finir avec les sensations liées au comportement dynamique du foil , il faut également parler de nervosité versus douceur. Ainsi, on peut clairement identifier des modèles de foil nerveux, donc les réactions mécaniques sont rapides et vives, et que l’on sent vivre sous ses pieds. Au contraire, certains foils semblent plus inertes, sans réponse vive aux sollicitations mécaniques extérieures, voir même doux.
Au départ, nous pensions que c’était uniquement lié à la rigidité du mat, et on pouvait imaginer qu’un foil nerveux était simplement plus souple car il se déformait alors que l’autre ne bougeait pas. Après avoir mené un certain nombre de mesures mécaniques, nous pouvons affirmer que ce n’est pas le cas. Des contre-exemples concrets : les produits Lokefoil qui sont ultra nerveux et pourtant très raides, et au contraire le Zeeko carbone qui est souple mais pas nerveux. Pour citer d’autres cas, on va dans la sens intuitif avec le F4 raide et peu nerveux, ou le Horue très souple et très nerveux.
Bref, pas de lien direct entre sensation de nervosité et rigidité du mat. Ma théorie est donc que cette nervosité est liée à d’autres paramètres mécaniques, et en particulier à la construction des mats. Celle-ci pourrait influer non pas sur la raideur, mais la réponse dynamique et en particulier l’amortissement de cette réponse, et la fréquence de raisonnance.
Il se trouve en effet que les foils les plus nerveux sont souvent des foils construits autour de mat à âme moussée (Loke, Alpine, Horue). Ces constructions assez légères favoriseraint les fréquences de réponse rapides. La théorie basique du système masse / ressort donne en effet une période en racine de k (raideur) / m (masse) . Au contraire, les mats pleins (Starboard, F4, Zeeko, Phantom) ont une réponse plus lente, et probablement une âme capable d’amortir plus vite les oscillations.
Encore un joli champ d’investigation =;)
Mais vous me direz, ça donne quoi un foil nerveux ou au contraire doux ? Là encore, pas de solution idéale mais 2 signatures différentes.
- Un foil doux sera plus facile à piloter, et moins perturbant dans des conditions de vent un peu soutenu, voir des conditions de mer plus forte. Il demandra moins d'attention et de réactivité à son pilote.
- Au contraire, un foil nerveux va favoriser un comportement ardent pour remoter au vent, un décollage plus précoce (le Lokefoil LK race en est un excellent exemple en conservant le palme du foil qui décolle le plus tôt), et une forte capacité d’accélération après le décollage (ou le jibe)
Reste à savoir ce que l’on préfère en fonction de ses gouts personnels, mais ce qui est sûr, c’est que la signature sur l’eau est radicalement différente.
Portance ou vitesse
Le choix entre un foil qui porte beaucoup à basse vitesse, ou au contraire qui s’exprime à plus haute vitesse est probablement le sujet qui anime le plus les forums. Cela concerne souvent le choix le la taille et du profil de l’aile.
Pour faire simple
- Est ce que je veux décoller puis voler avec une vitesse faible à modérée … pour ne pas se faire peur, pour rester maniable, pour jiber plus facilement etc.
- Est ce que je veux avoir plus de vitesse en vol, mais donc également au décollage, pour favoriser la performance, la stabilité en l’air, la rectitude de la trajectoire, le cap, l’exploration de la zone de jeu
Pour ne pas faire une redite, je vous oriente vers un post complet que j’avais publié à ce sujet.
Puissance ou glisse
Ce sujet n’est pas si éloignée du précédent, mais à la fois un peu plus général et du coup intéressant. Je l’aborde suite à un test fait très dernièrement et qui s’est trouvé édifiant. Je passe ainsi beaucoup de temps à expliquer pourquoi la cohérence des éléments entre eux est très importante, mais voilà un exemple qui illustre très ce propos.
Contexte : lac de Monteynard, vent de 8-15knt bien irrégulier autant en force qu’en direction (vent désaxé ce jour là)
Equipement : flotteur Phantom IRIS X 83 (160L, 83cm) , voile IRIS X MKII 7m (suite à un soucis d’épaule, je me contraints à naviguer léger pour ne pas forcer sur l’articulation en ce moment), foil F4
Première partie de l’après midi en configuration Fuselage 100, Aile 650, stab 210 : En dehors des zone déventées à moins de 8-9 knt, décollage plutôt précoce dans les risées avec un pumping rapide et de courte durée. Il s’en suit une accélération rapide qui permet d’atteindre la vitesse critique de vol à partir de laquelle ça tient tout le bord (court sur ce lac). On passe sur la glisse les molles intermédiaires, quelques fois en soutenant un peu au pumping (ne en suis qu’en 7m, là où habituellement j’aurais été en 9m). En gros, une fois qu’on est en l’air, on y reste et si on gère les jibe de façon à ne pas poser, on enchaine les bords en narguant les molles.
En milieu d’après midi, le vent tombe en dessous de 8 knt et m’oblige à rentrer. Comme je ne veux pas gréer plus gros, je change d’avion pour une configuration Fuselage 115, Aile 945, stab 210 et c’est reparti. Comme dans tout lac qui se respecte, le vent remonte à peu près au même niveau qu’au départ, la baisse était temporaire (juste rafales sont un peu moins puissantes). Cette fois, le décollage devient laborieux. Une fois en l’air, il faut pomper beaucoup plus longtemps pour accélérer et atteindre la vitesse critique. Celle ci est d’ailleurs plus faible, mais j’ai du mal à accélérer au delà .. je manque cruellement de puissance dans la voile … l’impression de labourer le plan d’eau. Dans les molles, ça tient avec moins de vitesse mais comme la glisse et l’allonge est moins bonne (ça ralenti plus vite), je suis moins avantagé qu’avec le combo Slalom. Bref, comportement pas très agréable et même si ça vole, j’ai l’impression de bouriner pour rien et le plaisir n’y est pas. Ce qui est intéressant, c’est que connaissant parfaitement ce combo, je sais qu’il est impérial en 9m avec des sensations de glisse et de ressource qui n’ont rien à voir !
Ce test illustre un propos évident :
- ce n’est pas parce que l’on met un foil plus puissant que l’on vole plus facilement ou plus tôt. Pour exploiter un foil (ou un flotteur) plus puissant, il faut aussi plus de puissance vélique.
- A contrario, si on veut naviguer petit en toile, il faut de la glisse donc un foil et un flotteur qui ne descendent pas tout droit du char d’assaut.
Dans les même conditions, j’aurai probablement eu des performances analogue avec les 2 combos suivants
- Voile 9m / foil race 945-115 / Flotteur volumineux
- Voile 7m / foil slalom 650-100 / Flotteur plus glissant
La seule différence aura été
- La sensation de glisse et la légèreté supérieure du combo slalom
- La capacité très supérieure du combo race dans la remontée au vent et le passage dans les molles longues
Pour conclure sur ce chapitre, il n’y a pas une option meilleure que l’autre (puissance ou glisse) et chacun choisira la voie qui lui parait la plus pertinente par rapport à ce qu’il aime. Par contre, ce qu’il faut éviter à tout prix, c’est essayer de mélanger les genres car c’est la meilleur garantie d’arriver à un système qui fonctionne mal. Je sais très bine que nombreux se disent : oui, mais si je veux un truc entre les deux pour tout faire ??? Ce a quoi je répondrai : "il y en a qui ont essayé, ... mais ils ont eu des probèmes" ... hahahaha.
Plus raide n’est pas plus technique
Une dernière petite aparté, valable pour de nombreux modèles du marché. Contrairement à une pensée trop largement répandue, ce ne sont pas les foils entrée de gamme qui sont forcément les plus faciles à dompter et utiliser. Je sais que ça fait souvent grincer des dents ! Beaucoup se disent que comme ils n'ont pas un très bon niveau, cela ne sert à rien qu'il dépensent plus.
Dans le domaine du foil, une très grosse partie de la facilité d'utilisation est liée à 2 paramètres essentiels
- La facilité de contrôle du foil en vol : capacité à naviguer en ligne droite, à gérer l'assiette du foil dans les 3 dimensions ... sachant qu'on demande si possible une parfaite stabilité en lacet, une bonne stabilité latérale sans empêcher la contre-gîte, et une stabilité longitudinale bien dosée pour éviter de faire du rodéo, mais permettre malgré tout au pilote de rattraper facilement ses erreurs de conduite ... savant dosage !
- La plage d'utilisation du foil : capacité à voler dans le vent faible, sans devenir ingérable dans les rafales
... et malheureusement pour nos finances, ce sont souvent les foils le plus chers qui sont les mieux lotis sur ces 2 paramètres.
On peut bien entendu "tricher" avec des grosses ailes qui brident la vitesse du foil, et le rendent artificiellement moins réactif, mais la technologie introduite dans les mats et fuselages les plus haut de gamme concourent à une structure mécanique rigide, et très souvent, à un contrôle plus facile et un foil plus agréable. Si des athlètes entrainés sont facilement capables de compenser par leur technique et leur agilité en pilotage, le débutant n’a pas cette chance. Donc sans aller chercher des modèles exotiques et ultra spécialisés (Race Up & Down), et si vous avez les moyens, n’hésitez surtout pas à choisir un modèle dit UHM, M40J, performance ou autre (dénomination des versions « haut de gamme »).
Bilan
Comme je l’avais annoncé, ce long post ne vas pas vous dire quel modèle choisir, mais j’espère qu’il pourra vous permettre de réfléchir à vos envies, et à conforter les sensations que vous avez ressenti pour mieux exprimer votre besoin lors d’un changement. A partir de là, un professionnel compétent et honnête saura vous orienter vers le choix le plus pertinent pour vous.