Le marché du Windsurf face à la crise du Coronavirus

La période spéciale que nous venons de vivre, et qui n’est pas encore derrière nous, a souligné les fragilités d'un marché de niche comme celui de la glisse. En dehors de l’aspect très court terme qui se traduit par des conséquences assez impactantes sur l’économie des différentes acteurs du domaine, cette crise peut être également un signal d’alarme. En cela, on peut aussi la voir comme une vraie opportunité. Voici notre vision du système, et les changements que nous imaginons positifs.

D'où vient on ?

Le marché de le glisse en général, et du windsurf en particulier est basé sur l'évolution d’un modèle économique mis en place dans les années 80. A cette époque où la planche à voile était un sport à la mode, le marché a dû faire face à une demande très forte et assez prévisible. Il s’est donc logiquement mis en place des logiques de production en grande série, tout à fait adaptées à cette forte demande et à un choix réduit sur quelques marques et modèles. 

En quelques année, l’activité s’est spécialisée pour devenir une affaire de puristes. En sortant du domaine du mass market, le marché a vu la demande s’écrouler en volume. Pour assurer la survie des acteurs économiques du domaine, il a fallu trouver de nouvelles sources d'économie, et compenser ainsi les couts engendrés à la fois par la réduction de la taille des séries produites, et la multiplication des modèles. A cette époque, c’est très clairement l’optimisation des techniques de production, et la délocalisation dans les pays à bas couts qui a permis de faire face. La marge supplémentaire ainsi générée a compensé un moment la baisse de volume. 

On a ensuite suivi le long glissement d’un marché qui est resté sur le même modèle. Le nombre de modèles et marques disponibles n’a pas cessé de croitre, les quantités produites ont continué à augmenter, sans pour autant que le nombre de pratiquants et la demande ne progresse.

Entre temps, de nombreuses marques, en manque de fonds propres, ont dû se tourner vers des investisseurs pour soutenir leur activité et financer leurs ambitions de croissance. Ces investisseures se rénument sur la croissance de chiffre d'affaire  … mais comment grossir dans un marché qui stagne ? Tout simplement en essant de prendre des parts de marché à ses concurrents. 

A ce jeux, nous en sommes rapidement arrivé à une guerre où tous les coups sont permis

  • Tenter systématiquement de sortir ses nouveaux produits avant les autres, en espérant ainsi s'acaparer les budgets de commande des revendeurs, au détriment des concurrents.
  • Annoncer des discounts permanents, quitte à augmenter les prix public initial pour continuer à assurer la rentabilité du système.
  • Sur-produire pour augmenter sa présence sur le marché, quitte à écouler une partie de sa production sans marge.
  • Produire intentionnellement de la fin de série pour faire tourner les unités de production.
  • Raccourcir artificiellement la durée de vie des produits pour inciter les consommateurs et les revendeurs à acheter régulièrement de la nouveauté.
  • Ecouler une partie de la production sur des circuits parallèles.

Là dessus, l’ouverture des frontières commerciales en Europe, et le phénomène Internet sont venus attiser les flammes.

Où on en est ?

Bref, le marché est aujourd’hui tendu, et le Covid 19 est juste venu souligner les défauts majeurs de notre modèle.

Des innombrables marques

Le nombre de marques est anormalement elevé au regard du marché. Un grand nombre d'entre elles survivent difficilement. Elle se créent comme des champignons sur le principe : puisque les autres sont là, pourquoi pas moi. Dans notre monde, un ex-compétiteur n’existe pas tant qu’il n’a pas créé sa marque, même si il n’a rien d’un businessman, et n'a réalisé aucune analyse de marché. La plupart ne doivent leur survie qu’à une ré-injection régulière d’argent externe. 

La croissance coute que coute

Certains grands groupes, financés par des investisseurs externes, sont challengés à faire de la croissance coute que coute. Dans ce monde de la finance, le seul objectif est de vendre une société plus cher qu'elle a été acheté, en s’appuyant sur une croissance de chiffre d’affaire. Le plus incroyable, c'est que cela peut même fonctionner si la société est structurellement en déficit permanent.

Décalage de saisonnalité

Depuis des années, on a décalé la saisonnalité entre offre et demande. Les nouveaux produits qui sont proposé en Europe (le plus gros marché du Windsurf) à la vente en fin de saison (Septembre). C'est exactement comme si on sortait les nouveaux modèles de skis en Mars. Cela réduit automatiquement la durée de vie réelle des poduits sur le marché.

Un service tiré le bas

Comme dans toutes les activités commerciales, l'ouverture des frontières et les lois soutenant la concurrence libre conduisent à une "amazonisation du marché". Une partie du business est désormais réalisée par des pure player qui profitent de leur situation économique et fiscale (zone franche, étranger, zone à faible cout immobilier, main d’oeuvre low cost) pour capter une partie des bénéfices sans aucune valeur ajoutée. Et quand ce ne sont pas eux qui réalisent les ventes (grace aux clients qui restent pour certains fidèles aux acteurs locaux), la loi de la concurrence impose leurs tarifs aux autres en rendant ces derniers déficitaires. 

L'hypocrisie des prix

Malgré la libre concurrence, et des promotions quasi systématiques, le cout ne baisse pas pour le consommateur. C'est parfaitement logique. Pour compenser le manque à gagner lié au discount, au cout de développement de gammes pléthoriques et en perpétuel renouvellement, au besoin impératif de marketing fort pour imposer des produits dans un marché saturé, il est nécessaire d’augmenter le tarif initial des produits. Un magnifique cercle vicieux dans lequel il n’y a pas beaucoup de gagnants, mais qui génère beaucoup de frustration. 

Des volumes inadaptés

Avec l’arrivée d’Internet, et récemment des réseaux sociaux, les moyens de communication ont fait un énorme bon en avant. Désormais, il est extrêmement facile pour tout un chacun de devenir un acteur du commerce en revendant du matériel d’occasion (ou du neuf dans le cas de certains coureurs, leader d’opinion, ou marque à l’agonie). Le marché de l’occasion entre particulier est ainsi devenu ces dernières années plus important en volume que le marché du neuf. Ecologiquement parlant, c’est une très bonne chose car cela devrait permettre d’avoir moins de matériel inutilisé qui pourrit dans les garages. Pourtant, le production de produits neufs continue au même rythme car notre système ne sait pas gérer la décroissance.

Une inertie coupable

Les productions, ultra majoritairement réalisée en Asie et en grandes séries, supposent une anticipation de 6 mois en moyenne (industrialisation : 1 mois, production : 3 mois, approvisionnement maritime : 6 semaines, dédouanement et approvisionnement local :  3 semaines). Cela provoque une inertie très importante, qui ne permet pas au système de réagir aux évolutions d'une demande toujours plus volatile. On se retrouve donc souvent avec une forte désadéquation entre la demande et ce qui est réellement produit. Cela se traduit par de fréquentes ruptures de sotck, mais aussi beaucoup d'invendus qu'il faut financer. 

Des cycles de vie produit trop courts

Les produits sont présentés en Juin, proposés à la vente en Aout, réellement vendus pour 50% au printemps, et soldés pour les 50% restant à partir de Juin, car le nouveau produit arrive … et quand on parle de nouveau produit, il ne s’agit souvent que d’un changement cosmétique. Cela fait pourtant bien longtemps que le cycle d’évolution technique réelle est plus de 3 ou 4 ans de que 1. Les conséquences sont assez évidentes

  • des produits qui sont trop vite dépréciés en valeur (que ce soit pour le neuf ou l’occasion)
  • des magasins qui sont de plus en plus frileux à stocker pour ne pas vendre à perte, et qui ne permettent plus aux marques de faire des prévisions fiables
  • des revenus qui ne sont pas à la hauteur … car en vendant 50% de la production en fin de série, il devient très difficile de financer les couts à tous les niveaux (marque, distributeur, détaillants)
  • des prévisions de production qui relèvent de la voyance (comment prévoir la consommation sur un marché saturé)
  • des clients qui ne comprennent logiquement pas pourquoi payer le prix ‘standard’ quand certains produits avec une variante de couleur sont proposés 30 à 50% moins cher

Construire la suite

Avec la crise du Covid et l’arrêt de commerce, de la production et de la pratique pendant 2 mois, l’ensemble de ces anomalies nous ont sauté à la figure. Les magasins ont pour la plupart bloqué leurs approvisionnements par manque de trésorie, car ils ont dû favoriser le règlement de leurs charges fixes (loyer, ursaf, salaires). Les marques, qui avaient anticipé la production il y a 6 mois, se retrouvent avec du stock invendu qui risquerait d’être obsolète avant même de se retrouver sur les spots. 

La plupart des marques ont stoppé immédiatement le lancement des produits 2021 dont la production devait démarrer, et ont annoncé la prolongation exceptionnelle des gammes 2020 sur la saison 2021. C'est une réaction intelligente et très attendue par toute la profession.

Ce qui est certain, c’est que cette crise aura souligné des faiblesses structurelles que nous repoussons tous du revers de la main depuis des années. Je ne pense pas que cela provoque un changement radical, mais cela peut participer à une prise de conscience. Et partant du principe que le principal acteur qui peut faire évoluer les choses est le client par ses achats, c’est en l’informant de la situation qu’il sera le plus a même de consommer de façon responsable, et donc d'inciter le système à réagir. 

On vous invite donc, par votre achats, à soutenir les initiatives visant à revenir sur des bases un peu plus saines.

  • Privilégier des productions moins éloignées (Europe, voir France) quand c'est possible
  • Privilégier des produits à durée de vie prolongé (sans millésimes) : le modèle ne change qu'en cas de vraie évolution technique
  • Eviter de n'acheter que les produits que l’on trouve systématiquement en promotion
  • Accepter d’attendre un peu plus son produit commandé
  • etc.

Bien sûr, il est compliqué de toujours consommer responsable dans un monde qui offre peu de choix. En tant que revendeur, nous sommes confronté aux même difficultés. Sans être intégriste, essayons tous d’augmenter petit à petit la part de marché occupée par des produits plus vertueux pour infléchir petit à petit les tendances. 

Comme expliqué en introduction, nous présentons ici NOTRE perception des choses, et nous comprenons tout à fait qu'elle ne soit pas partagée par tous. Cela ne doit pas nous empêcher de présenter notre vision, de vous informer que nous allons petit à petit orienter nos choix dans ce sens, et d'inciter ceux qui la partage à nous soutenir dans cette évolution. 

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