Souplesse et rigidité des skis

Choix et conséquences - les détails de l'affaire

Au long des forums, des discussions avec les clients, la forme des skis (longueur, largeur, rayon etc.) semble préoccuper tout le monde au plus haut point. Au risque d'en choquer certains, sachez que ces caractéristiques sont bien moins importantes que vous le pensez. Alors pourquoi tant de littérature sur ces formes extérieures ? Simplement car c'est facile à décrire et mesurer. Comme d'habitude, on préfère ignorer ce que l'on ne connait pas, en faveur de ce qui est mesurable, visible et quantifiable.

Les caractéristiques les plus importantes des skis sont les comportements en flexion et torsion de leur structure. C'est en effet la réaction du ski à ces déformations qui va influencer tout le ressenti que vous allez avoir. Bien sûr, ceci doit être en cohérence avec la géométrie choisie (lignes de côtes).

Pour faire simple, nous ne parlerons ici que des 2 modes principaux de déformations du ski : la flexion et la torsion.


Pour la flexion, les choses sont assez intuitives. Un ski peut fléchir pour 2 raisons :

  • sous l'effet de votre poids lorsque vous êtes entre 2 bosses (avec la spatule et le talon chacun sur une bosse) ... pas très courant.
  • à chaque virage sur un ski parabolique ... sous l'effet de votre poids et de la prise d'angle, le ski étant plus étroit au niveau du patin, la flexion va permettre à la carre du patin de venir au contact avec la neige :


La torsion est plus complexe à imaginer : il s'agit de la déformation le long de l'axe longitudinal du ski. Ce type de déformation était très rare sur les skis droits, mais devient un élément déterminent du comportement d'un ski parabolique. Elle est due à un manque de rigidité du ski dans l'axe logitudinal.

Pour amorcer un virage, le skieur provoque une prise d'angle entre le ski et la surface de la neige : c'est ce que l'on appelle la prise de carre. Si le ski était parfaitement rigide dans l'axe longitudinal, le ski ferait en tout point le même angle avec la neige, c'est à dire le même angle au niveau du talon, du patin et de la spatule ... cf le schéma ci dessous

Dans ce cas, la seule déformation observée est celle en flexion (celle due au poids du skieur et à la forme parabolique du ski). Dans un cas plus général, comme le ski a toujours une certaine souplesse en torsion, l'angle avec la neige est toujours plus important au niveau du patin qu'en spatule et talon, comme on peut le voir sur le schéma suivant

Ceci est dû au fait que

  • sous le pied, c'est la jambe su skieur qui impose l'angle via la chaussure et la fixation
  • en spatule et talon, l'angle est plus faible sous l'action de la force de réaction de la neige qui pousse sur la carre et tord le ski

Rigidité en torsion

Cette différence d'angulation de la carre entre les patins, talon et spatule a une grosse influence que le comportement du ski, tout simplement car l'accroche en chaque point de la carre dépend directement de l'angulation entre la carre et la surface de la neige, et de la pression de la carre sur la neige.

Si on prend le shéma ci dessus, on a dans le premier cas une accroche répartie sur toute la carre, et dans le 2e cas une accroche présente essentiellement sous le pied. En voici donc les conséquences :

Un ski raide en torsion offrira

  • peu de torsion durant la courbe
  • une accroche répartie sur toute la carre
  • une accroche importante sur neige dure
  • une conduite de courbe précise en virage coupé
  • de la stabilité à vitesse soutenue

Un ski souple en torsion offrira

  • un comportement facilité en virage traditionnel (mise en virage et dérapage facile des extrémités)
  • une accroche centrée sous le pied
  • une accroche faible sur la neige dure ou la glace
  • une conduite de courbe imprécise en virage coupé
  • un manque de stabilité à vitesse soutenue

On comprend alors aisément que la raideur du ski en torsion va conditionner le choix et le type d'utilisation du ski, donc évidemment le niveau technique du skieur auquel il s'adresse.

Rigidité en flexion

Come on l'a vu précédemment, la mise en virage d'un ski parabolique provoque une déformation de ce dernier en flexion, sous l'action du poids du skieur et de la géométrie du ski. Elle est d'autant plus importante que la 'taille de guêpe" du ski est marquée et que l'angulation est importante. Plus le ski est rigide, plus il sera difficile de le cintrer, et plus le ski renverra de l'énergie lorsqu'il va se détendre en fin de virage.

La rigidité en flexion conditionne donc de façon importante l'énergie que peut emmagasiner le ski (puissance et dynamisme), ainsi que le confort de son utilisation. En effet, n'oublions pas qu'un ski qui absorbe une partie des mouvements de terrain sera plus confortable à utiliser qu'un ski qui retransmet tout à son pilote.

Subtil équilibre

Après cette rapide présentation des enjeux, la question est de savoir ce que l'on attend du ski. Disons le tout de suite avant d'aller plus loin : il n'y a pas UNE recette miracle, ni même plusieurs, mais une infinité de solutions qui fonctionnent même si elles ne sont pas toujours si simple à trouver.

Tout l'art de concevoir un ski est celui de réussir un subtil équilibre entre la géométrie du ski (rayon, longueur, largeur) et ses carctéristiques de rigidité en torsion et en flexion en chaque point du ski ... le tout devant être aussi adapté au niveau technique et physique du skieur ... ouf ! Vaste programme.

Une fois ceci intégré, on comprend pourquoi il est quelques fois plus simple de concevoir un ski de course qu'un ski grand public polyvalent ... en tout cas lorsque l'on cherche réellement à se rapprocher de la perfection dans toutes les conditions ! C'est aussi ce qui explique que certaines marques onéreuses mettent des années à développer un modèle à force d'essais pour se rapprocher de l'équilibre parfait ... et croyez moi, cela se sent en les skiant, quelque soit votre niveau !

Production

Nous ne nous lancerons pas ici dans une description des différentes méthodes de construction car ce serait très long et hors de propos. Nous allons juste évoquer ce qui se fait couramment en production pour que vous puissiez faire un lien entre tout ce qui précède et ce que vous avez sous les pieds.

De part les méthode de production habituelle, il est assez simple de maîtriser la raideur en flexion d'un ski. La gestion de la raideur en torsion est plus complexe car elle est complexe à obtenir, et une importante raideur en torsion s'obtient la plupart du temps au prix d'une augmentation importante de la raideur en flexion.

De façon très schématique, on trouve donc

  • Des ski souples en flexion et torsion ... c'est le cas des skis junior, des skis de freestyle entrée de gamme, et d'une grande partie des skis femme. Cela favorise le confort, la légèreté et le prix de revient au détriment de la stabilité, de la conduite de courbe et de la tenue sur le dur
  • Des skis raides en torsion et flexion ... c'est le cas des skis de course, pour lesquels le confort et l'accessibilité n'est pas une priorité, et qui ont conçus pour donner leur meilleur sur des pistes gelées et parfaitement planes (damées au 1/4 de poil)
  • Des skis raides en flexion et souples en torsion ... c'est typiquement le cas du ski droit (à l'ancienne). Cela favorise un comportement traditionnel d'un ski qui tourne facilement en dérapage et pivote sur place avec une accroche très centrée sous le pied. Depuis l'avènement des skis parabolique, ce type de ski reste très courant car ce sont des skis assez peu onéreux à produire avec des matériaux et une mise en oeuvre simples. Ces skis satisferont en particulier les skieurs qui sont restés sur une technique traditionnelle. Ce sont aussi des skis plébiscités par les skieurs plus physiques que techniques. Ces derniers affectionneront particulièrement la forte consistance sous le pied de ces modèles.
  • Des skis souples en flexion et raide en torsion ... c'est la tendance su ski moderne, que beaucoup de marques aimeraient produire sans toujours y parvenir. L'objectif est ici de concilier le confort sur les pistes abîmées avec la précision de conduite de courbe. A ce jour, très peu de marques parviennent réellement à produire en série ce type de ski. Celles qui y parviennent réellement le font au prix d'une R&D forte et couteuse qui se répercute sur le prix de vente. D'autres marques (souvent outsiders du marché) s'en approchent à des tarifs plus raisonnables.

Conclusion

Maintenant que vous en savez plus sur la conception des skis (ou tout au moins sur le résultat que l'on peut en attendre), vous serez plus attentif en testant les skis, et vous ferez probablement plus rapidement le lien entre les sensations que vous éprouvez et le matériel que vous avez sous les pieds. Osez être critique et osez 'écouter' vos sensations !


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